René Girard avait écrit en 1972 : « La violence essentielle revient sur nous de façon spectaculaire, non seulement sur le plan de l’histoire, mais sur le plan du savoir. » Il s’est éteint dans la semaine qui a précédé les attentats du 13 novembre 2015. Il n’avait rien d’un prophète de malheur. Sa pensée donne forme et sens à notre avenir. Nous devons réentendre sa voix.
Il m’a fallu répondre au choc de deux événements conjoints : la mort d’un maître et d’un ami, et les horreurs parisiennes. Ces réalités constituent une énigme où se confrontent l’invisible et le monstrueux, la violence et le secret, l’élégance et l’obscénité. Elles m’ont forcé à évoquer les « derniers jours » : ceux de René Girard et la fin des temps qu’il pensa dans son œuvre.
Mais beaucoup se sont mépris sur son pessimisme. L’annonce d’un démembrement du monde révélait moins la mélancolie d’un romantique que la joie du Royaume entrevu un soir d’été en Avignon ou dans le silence parfumé de Stanford. J’ai voulu rendre présent ce penseur apocalyptique qui fut drôle et discret, dont l’espérance était profonde.
Ce livre raconte une amitié. Il présente l’œuvre de Girard dans la lumière rétrospective que constitue sa fin. C’est au « jour de colère » que se fait entendre la parole. La sienne et celle des textes qu’il sut génialement interpréter : les Evangiles, Shakespeare, Stendhal ou Proust garderont longtemps pour moi l’accent du Midi.
240 pages - EDITIONS GRASSET
Benoît Chantre est docteur ès lettres, fellow de la fondation Imitatio (San Francisco), membre associé du Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine (CIEPFC, Rue d’Ulm), et prési- dent de l’Association Recherches Mimétiques. Il a collaboré à diverses revues (
Artpress, Esprit, L’Infini, La Revue des deux mondes...), écrit sur des artistes contemporains et organisé des colloques univer- sitaires ou des rencontres d’écrivains, à Paris et à la Villa Médicis.
Ses recherches portent sur les œuvres de Bergson, Girard, Levinas, Péguy et Simone Weil. Il a publié en 2007 avec René Girard Achever Clausewitz (réédition « Champs », Flammarion, 2012), en 2014 un essai sur Péguy aux Editions du Fé- lin (Péguy point final) et en 2016 Les Derniers jours de René Girard aux Editions Grasset.