La philosophie n’est pas la discipline fondamentale dans laquelle Girard puise ses intuitions puisque : « Seuls les romanciers relèvent la nature imitative du désir. »[1] Elle n’est pas non plus celle dans laquelle il développe les conséquences de ses théories, puisque Girard applique bien plus la théorie mimétique à l’anthropologie[2] qu’à la philosophie. Pourtant, la philosophie hante la théorie mimétique, et ce à plusieurs niveaux.
Tout d’abord en ce que Girard commente de façon explicite certains textes rédigés par des philosophes afin de s’opposer à eux de manière explicite. C’est le cas d’un long article que Girard consacre à la réfutation de la théorie du désir proposée par Deleuze et Guattari dans L’anti-œdipe[3]. Parfois, faute de les réfuter massivement, Girard les dépasse, les complète ou les complexifie, comme il le fait avec le texte de Aron[4] dans sa lecture de Clausewitz[5].
Mais la philosophie est aussi en dialogue avec la théorie mimétique en ce que Girard reconnaît que nombre de philosophes sont passés très prêt du désir mimétique. C’est le cas de Platon qui, s’il a bien perçu le rôle fondamental de la mimesis, s’en est malheureusement tenu au paradigme de la copie, de la re-production ou de l’image. Bien que plaçant l’imitation au cœur même d’une ontologie de la participation, Platon refuse d’étendre la mimesis aux comportements humains et au désir : « C’est Platon qui a déterminé une fois pour toutes la problématique culturelle de l’imitation et c’est une problématique mutilée, amputée d’une dimension essentielle, la dimension acquisitive qui est aussi la dimension conflictuelle. »[6] Mais à l’autre bout de l’Histoire de la philosophie, c’est aussi le cas de Sartre : « Les analyses du rôle de l’autre dans ce que Sartre appelle « le projet » - le garçon de café dans L’être et le néant – les analyses de la mauvaise foi, de la coquetterie, sont merveilleuses à mes yeux. »[7], ou même de Derrida et de ses analyses du pharmakos : « De même que la tragédie, le texte philosophique fonctionne, à un certain niveau, comme une tentative d’expulsion, perpétuellement reprise car elle ne réussit jamais à s’achever. C’est là à mon avis ce que démontre de façon éblouissante l’essai de Jacques Derrida intitulé La Pharmacie de Platon. »[8] Ainsi, à de nombreuses reprises la philosophie a flirté avec le désir mimétique sans ne jamais pouvoir le théoriser complètement ni en percevoir toutes les conséquences.
Enfin, la théorie mimétique est aujourd’hui en dialogue avec la philosophie selon deux modalités distinctes. Tout d’abord, la théorie mimétique sert de méthode herméneutique en histoire de la philosophie en ce qu’elle aide à éclairer les auteurs d’un jour nouveau. Dans un rapport parfois critique à Girard, de nombreux auteurs utilisent la théorie mimétique dans leur propre travail d’histoire de la philosophie. Nous pouvons penser ici à Christian Lazzeri qui applique la théorie mimétique à la logique des conflits chez Hobbes et Spinoza[9], ou encore à Jean-Pierre Dupuy qui propose, avec la théorie mimétique, une solution au problème Adam Smith[10] et toute une lecture de Rawls à partir du concept de sacrifice[11]. C’est aussi le cas de Paul Dumouchel qui offre une lecture girardienne de Marx à partir de la rareté[12], ou de Lucien Scubla qui se demande, dans une lecture de Rousseau, s’il est possible de mettre la loi au-dessus de l’homme ?[13] Stéphane Vinolo a proposé récemment, une lecture de Sartre à l’aune de la théorie mimétique[14]. On notera enfin, qu’Alain Badiou propose de lire la subjectivation du Dieu de Malebranche selon les catégories de la théorie mimétique[15]. Ainsi la théorie du désir mimétique est désormais et pour beaucoup, un véritable outil de la philosophie. Mais au-delà de l’histoire de la philosophie, la théorie mimétique est aussi présente dans la production philosophique contemporaine et pour ce, nous la retrouvons au cœur des textes de Michel Serres et de la logique du parasite[16] ou de la fondation[17], dans le catastrophisme éclairé[18] de Jean-Pierre Dupuy ou encore dans toute la théorie actualiste et formaliste de la justice que propose Charles Ramond[19].
Nous pouvons ainsi déconstruire en partie l’idée du contentieux entre la théorie mimétique et la philosophie, puisque bien que la philosophie ne soit pas au cœur de la théorie mimétique, Girard n’a pas ignoré les philosophes et les philosophes n’ignorent plus la théorie mimétique. Ils vivent en parallèle, dans un dialogue critique fait de rencontres et de prises de distance ; ils travaillent ainsi l’un contre l’autre, tout contre.
> Lire "Girard et la Philosophie" Entretien de Paul Dumouchel (1) avec Andréas Wilmes (2), paru dans The Philosophical Journal of Conflict and Violence (Vol. I, Issue 1/2017)
1 Université de Ritsumeikan, Kyoto
2 Centre de Recherche sur les Liens Sociaux (CERLIS), Université Paris-Descartes
Notes
[1] René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, in De la violence à la divinité, Grasset, Paris, 2007, p. 45.
[2] René Girard, La violence et le sacré, Grasset, Paris, 1972.
[3] René Girard, Système du Délire, in Critique XXVIII, 306, pp. 957-996, 1972.
[4] Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz, tomes I & II, Gallimard, Paris, 1976.
[5] René Girard, Achever Clausewitz, Carnets Nord, Paris, 2007.
[6] René Girard, Des choses caches depuis la fondation du monde, in De la violence à la divinité, Grasset, Paris, 2007, p. 713.
[7] René Girard, Quand ces choses commenceront, Paris, Arléa, 1994, 1996, p. 162.
[8] René Girard, La violence et le sacré, in De la violence à la divinité, Grasset, Paris, 2007, p. 662.
[9] Christian Lazzeri, Droit, pouvoir et liberté, Spinoza critique de Hobbes, PUF, Paris, 1998.
[10] Jean-Pierre Dupuy, Adam Smith et la sympathie envieuse, in Libéralisme et justice sociale, Paris, Calmann-Lévy, 1992.
[11] Jean-Pierre Dupuy, John Rawls, l’utilitarisme et la question du sacrifice, in Libéralisme et justice sociale, Paris, Calmann-Lévy, 1992
[12] Paul Dumouchel & Jean-Pierre Dupuy, L’enfer des choses, Seuil, Paris, 1979.
[13] Lucien Scubla, « Est-il possible de mettre la loi au-dessus de l’homme ? Sur la philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau », in Jean-Pierre Dupuy, Introduction aux sciences sociales : logique des phénomènes collectifs, Paris, Ellipses, 1992, pp.105-143.
[14] Stéphane Vinolo, « Critique de la raison mimétique, Girard lecteur de Sartre », in Charles Ramond, La théorie mimétique, de l’apprentissage à l’apocalypse, PUF, Paris, 2010, pp. 59-104.
[15] Alain Badiou, Le séminaire, Malebranche, L’être 2 – Figure théologique – 1986, Fayard, Paris, 2013.
[16] Michel Serres, Le parasite, Grasset, Paris, 1980.
[17] Michel Serres, Rome, Le livre des fondations, Grasset, Paris, 1983.
[18] Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain, Paris, Seuil, 2004.
[19] Charles Ramond, Sentiment d’injustice et chanson populaire [à paraître].
[1] René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, in De la violence à la divinité, Grasset, Paris, 2007, p. 45.
[2] René Girard, La violence et le sacré, Grasset, Paris, 1972.
[3] René Girard, Système du Délire, in Critique XXVIII, 306, pp. 957-996, 1972.
[4] Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz, tomes I & II, Gallimard, Paris, 1976.
[5] René Girard, Achever Clausewitz, Carnets Nord, Paris, 2007.
[6] René Girard, Des choses caches depuis la fondation du monde, in De la violence à la divinité, Grasset, Paris, 2007, p. 713.
[7] René Girard, Quand ces choses commenceront, Paris, Arléa, 1994, 1996, p. 162.
[8] René Girard, La violence et le sacré, in De la violence à la divinité, Grasset, Paris, 2007, p. 662.
[9] Christian Lazzeri, Droit, pouvoir et liberté, Spinoza critique de Hobbes, PUF, Paris, 1998.
[10] Jean-Pierre Dupuy, Adam Smith et la sympathie envieuse, in Libéralisme et justice sociale, Paris, Calmann-Lévy, 1992.
[11] Jean-Pierre Dupuy, John Rawls, l’utilitarisme et la question du sacrifice, in Libéralisme et justice sociale, Paris, Calmann-Lévy, 1992
[12] Paul Dumouchel & Jean-Pierre Dupuy, L’enfer des choses, Seuil, Paris, 1979.
[13] Lucien Scubla, « Est-il possible de mettre la loi au-dessus de l’homme ? Sur la philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau », in Jean-Pierre Dupuy, Introduction aux sciences sociales : logique des phénomènes collectifs, Paris, Ellipses, 1992, pp.105-143.
[14] Stéphane Vinolo, « Critique de la raison mimétique, Girard lecteur de Sartre », in Charles Ramond, La théorie mimétique, de l’apprentissage à l’apocalypse, PUF, Paris, 2010, pp. 59-104.
[15] Alain Badiou, Le séminaire, Malebranche, L’être 2 – Figure théologique – 1986, Fayard, Paris, 2013.
[16] Michel Serres, Le parasite, Grasset, Paris, 1980.
[17] Michel Serres, Rome, Le livre des fondations, Grasset, Paris, 1983.
[18] Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain, Paris, Seuil, 2004.
[19] Charles Ramond, Sentiment d’injustice et chanson populaire [à paraître].
En partenariat avec la BnF et l'ENS / CIEPFC, L'ASSOCIATION RECHERCHES MIMÉTIQUES a organisé une série de colloques croisant la pensée de René Girard avec celle de ses contemporains : Bourdieu, Derrida, Henry, Levinas, Sartre.
Perspective sur le sacrificeautour de
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Ce colloque a pour objet d’introduire et d’approfondir la réflexion sur le rapport entre le sacrifice et la violence, en tant que pratiques fondatrices de l’humain.
Il s’agira donc de confronter des auteurs liés à des positions « hétérodoxes », remettant en question certains régimes de vérité dominants dans le champ des sciences humaines (anthropologie, philosophie, histoire des religions, sociologie).
Les auteurs abordés sont des penseurs et des écrivains qui, d’une façon ou d’une autre, se sont situés ou se situent encore à contre-courant de leur temps : Georges Bataille, Roger Caillois, Roberto Calasso, Alain Daniélou, René Girard et Michel Leiris.
L’Association recherches mimétiques (ARM) et la Fondation Inde-Europe des nouveaux dialogues (FIND) mènent une série de recherches transversales au sujet du sacrifice et de sa relation à la violence.
La dimension « transversale » signifie qu’est pris en compte le caractère constitutif des éléments subjectifs dans la réception d’une tradition. Cette perspective permet d’appréhender autrement le phénomène du religieux archaïque et l’institution du sacrifice.
Libéré de sa connotation négative (où il est considéré comme arbitraire et contingent) et pris dans le sens d’un enrichissement herméneutique, l’élément subjectif, propre à la littérature où tous ces écrivains s’enracinent, ouvre un horizon d’interprétation différent et une pluralité de registres d’expérience.
Nous veillerons donc à distinguer « expérience » et « observation », une différence qui, depuis les origines de l’ethnologie, s’avère assez problématique. La rationalité occidentale moderne a en effet toujours tenté de délimiter un discours scientifique. Ce projet suppose un universalisme et la configuration d’un monde qui se posent comme supérieurs à d’autres pratiques et modes de vie (soi-disant « primitifs » ou « archaïques »).
Cette rationalité, incarnée de façon totalisante dans la dialectique hégélienne et dans le regard spécialisé des sciences particulières du XXe siècle, a été mise en question par un savoir considéré comme « non-scientifique » (ou purement subjectif), lié à la littérature en tant que trace d’une expérience vécue.
Il en est ainsi de la réception française d’Alexandre Kojève et de la redécouverte de la pensée mythique sous l’influence de Sylvain Lévi et Marcel Mauss. Tous les auteurs liés à cette mouvance ont montré l’impossibilité de se détacher de la subjectivité pour constituer un objet scientifique.
Le colloque abordera ainsi le statut et la valeur de cette dernière, pour comprendre le rapport entre violence et sacré, expérience et vérité, rupture et légitimation, ceci au-delà d’un discours savant dominé par l’histoire des religions, l’ethnologie et la philologie.
Aborder des auteurs « hétérodoxes » comme Georges Bataille, Roger Caillois, Roberto Calasso, Alain Daniélou, René Girard et Michel Leiris pourrait ainsi contribuer à repenser les limites de la description « objective », ainsi que l’espace ouvert par la subjectivité critique.
Auteurs et intervenants
Georges Bataille par Jean-Philippe Milet (Collège international de philosophie)
Roger Callois par Etienne Helmer (Université de Porto Rico- Etats Unis)
Roberto Calasso par Silvia d’Intino (EHESS)
Alain Daniélou par Adrián Navigante (FIND)
René Girard par Paul Dumouchel (Université Ritsumeikan de Kyoto)
Michel Leiris par Anne Prunet (Université de Caen)
Girard - LevinasDu sacré au saint
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Girard-Levinas, Colloque BNF du 12 -13 novembre 2012
Le but de ce colloque est de confronter la pensée de René Girard à celle d’Emmanuel Lévinas afin de comprendre à la fois la façon dont ces deux penseurs se complètent et les différences qui séparent leurs positions intellectuelles respectives.
René Girard articule depuis 1961 et à travers à peu près vingt livres ce qu’on pourrait appeler une théorie du sacré dans la culture occidentale archaïque et moderne. Cette théorie repose sur trois postulats fondamentaux :
1) selon Girard (qui base ses propres intuitions sur celles des écrivains comme Dostoïevski), le désir est emprunté à l’autre, qui joue le rôle du médiateur ou du modèle ;
2) à partir de l’idée que la culture est fondée sur un système de différences ou de distinctions, Girard affirme que les cultures archaïques «gèrent» le désir mimétique en faisant la distinction entre le sacré et la violence,et surtout en se servant du «mécanisme sacrificiel» qui consiste, dans les périodes de crise, à expulser un «bouc émissaire» (une victime qui se substitue à la foule) en dehors de la communauté afin de restaurer l’ordre àl’intérieur du groupe ; et 3) le monde moderne est né au moment où le sacrifice ne fonctionne plus, d’où le besoin de nouvelles solutions anti-sacrificielles pour que la culture puisse survivre sans s’autodétruire, un but exprimé d’aborddans les Écritures juives et ensuite dans les Évangiles.
Emmanuel Levinas articule depuis 1961 et dans à peu près vingt livres ce qu’on pourrait appeler une théorie del’éthique. Peu convaincu par le concept de la subjectivité et de la moralité développé depuis Kant jusqu’à Heidegger en passant par Hegel et Husserl, et dans lequel un sujet conscient se retrouve face à des objets de connaissance(une séparation entre la connaissance et la moralité identifiée par Heidegger comme étant « l’ontologie fondamentale »), Levinas propose un alternatif : une compréhension de la subjectivité humaine fondée sur une responsabilité éthique primordiale et sans limite devant autrui, dont le visage nous accorde un accès à l’infini à l’intérieur même du fini. A travers ce qu’on pourrait voir comme une série de projets entrepris en parallèle à la fois par les études juives et la tradition philosophique occidentale à partir de Platon, Levinas construit cequ’on pourrait en effet définir comme une traduction de l’hébreu en grec.Puisant dans les écrits de Martin Buber et de Franz Rosenzweig, Levinas propose une éthique « descriptive » qui inverse le rapport kantien traditionnel entrel’éthique et le politique, une nouvelle configuration qui subordonne toute rencontre médiatisée (l’universel, le juridique, le catégorique, le politique)à la rencontre personnelle immédiate entre le moi et autrui par lequel nous sommes pour ainsi dire pris en otage.
Nous souhaitons tenter l’hypothèse selon laquelle ces deux pensées se répondent et se complètent de manière fructueuse :si Girard a une théorie du sacrifice en tant que tel, il n’a en revanche aucune théorie éthique, tandis que Levinas propose une théorie de l’éthique compatible avec la lecture anti-sacrificielle que fait Girard du sacré, mais sans jamaisl’articuler de cette façon. Il se peut en effet que le fait d’articuler la pensée des deux hommes en philosophie, en anthropologie, en littérature et en études religieuses, et ceci de manière complémentaire voire continue, puisse contribuer à une compréhension plus large des phénomènes auxquelss’intéressaient tous les deux : une théorie du sacré et une théorie del’éthique, une théorie de l’éthique qui émerge d’une théorie du sacré et qui prolonge celle-ci.
INTERVENANTS :
1ere journée :
Ann Astell(Professeur département théologie Université of Notre Dame Indianna) , Joachim Duyndam (Professeurde philosophie et Humanisme Université des ciences humaines à Utrecht, Pays-Bas),Guillaume Fau (ConservateurBibliothèque nationale de France), SandorGoodhart (Professor at Purdue University's ,West Lafayette), Joelle Hansel (Professeur dephilosophie à l'Université hébraïque de Jérusalem), David Hansel (Directeur de recherche au Laboratoire de Neurophysique et Physiologiedu Système Moteur), Georges Hansel (Professeurde mathématiques et d'informatique à la Faculté des sciences de l'Université deRouen), Justin Jackson ( Professeur Université du Michigan), Andrew Mckenna (homme politique américain affilié du parti républicain), Sol Neely (Professeur adjoint Université de l’Alaska du sud-ouest),David Uhrig
2eme journée : Flora Bastiani (Chargée de cours au département de philosophie de l’Université de Toulouse II), Benoît Chantre (Président de l’ARM), Pascal Delhom (Conseil académique à l'Institut de Philosophie à l’Université de Flensburg), Jean-Michel Salanskis (Professeur de philosophie à l' Université de Paris Ouest), François-David Sebbah (Professeur de Philosophie contemporaine,Université de Technologie de Compiègne), Frédéric Worms (Professeur dephilosophie à l'Ecole normale supérieure)
Girard - LevinasDu sacré au saint
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Girard-Levinas, Colloque BNF du 4 novembre 2013
Le but de cette journée d’études serad’approfondir, ou de relancer, les questions posées par le colloque international organisé l’an dernier à la BnF et à l’ENS (sous la direction de Benoît Chantre et Sandor Goodhart) autour d’une approche comparative des pensées de René Girard et d’Emmanuel Levinas. Certaines thèses avancées à cette occasion seront confrontées à de nouvelles approches venues les enrichir et les mettre en perspective. Jean-Luc Marion, membre de l’Académie française,assistera à ces débats et y apportera des remarques conclusives.
René Girard a élaboré depuis son premier livre, en 1961, une théorie du sacré dans la culture occidentale. Cette théorie repose sur trois postulats fondamentaux :
1) le désir est emprunté àl’autre, qui joue le rôle du médiateur ou du modèle (approche inspirée par des écrivains comme Dostoïevski) ;
2) la culture étant définie comme un système de différences, les cultures archaïques « gèrent » le désir mimétique en refaisant sans cesse la distinction entre les violences légales et illégales, le sacré et la violence ; elles se servent, pour ce faire, du« mécanisme sacrificiel » ;
3) le monde moderne est né du délitement de l’institution sacrificielle, d’où le besoin de trouver une alternative au sacrifice, afin que la culture puisse survivre sans s’autodétruire, alternative apparue dans les Écritures juives, puis dans les Évangiles.
Emmanuel Levinas construisit, en particulier depuis Totalité et Infini,publié lui aussi en 1961, ce qu’on peut appeler une théorie de l’éthique. Peu convaincu par le concept de subjectivité et de moralité développé de Kant à Heidegger, en passant par Hegel et Husserl, concept qui met un sujet conscient face à des objets de conn aissance, Levinas propose une compréhension de la subjectivité humaine fondée sur une responsabilité éthique première et sans limite devant autrui, dont le visage donne un accès à l’infini. Menant de front plusieurs projets, conjointement dans les études juives et dans la tradition philosophique à partir de Platon, Levinas voulut faire revenir l’hébreu dans l egrec. Puisant dans les écrits de Martin Buber et de Franz Rosenzweig, i lconstruisit une éthique « descriptive » qui inverse le rapport kantien traditionnel entre l’éthique et le politique : cette configuration nouvelle subordonne toute rencontre médiatisée (l’universel, le juridique, le catégorique, le politique) à la rencontre personnelle immédiate entre le moi et autrui, par lequel nous sommes pour ainsi dire pris en otage.
Notre recherche s’applique ainsi à vérifier que ces deux pensées se répondent et se complètent de manière fructueuse : si Girard déploie une théorie du sacrifice en tant que tel, il n’aen revanche pas de théorie éthique ; Levinas propose, lui, une théorie del’éthique tout à fait compatible avec la lecture anti-sacrificielle que Girard fait du sacré, même si elle ne se pense pas dans les mêmes termes.L’articulation de ces deux pensées en philosophie, en anthropologie, en littérature et en sciences religieuses, pourrait ainsi aider à une compréhension plus large des phénomènes étudiés : une théorie du sacré et une théorie del’éthique, une théorie de l’éthique qui émerge d’une théorie du sacré et la prolonge.
INTERVENANTS :
Dan Arbib, Benoît Chantre (ARM), Daniel Cohen-Levinas, Jean-Luc Marion, de l’Académie française, Camille Riquier (Institut catholiquede Paris), François-David Sebbah (Professeur de Philosophiecontemporaine, Université de Technologie de Compiègne), Sandor Goodhart (Professor at PurdueUniversity's ,West Lafayette).
Girard - SartreExistence et transcendance(Colloque international ARM / BnF/ ENS CIEPFC) Samedi 6 décembre 2014,
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Sartre-Girard, Colloque BNF du 6 décembre 2014
Chaque fois que René Girard critique l’œuvre sartrienne, ce n’est jamais sans lui avoir rendu préalablement hommage ; hommage d’autant plus troublant qu’il touche au cœur de la théorie du désir mimétique, à la structure du triangle et de la spirale : « Les analyses du rôle de l’autre dans ce que Sartre appelle «le projet» - le garçon de café dans L’Être et le néant – les analyses de la mauvaise foi, de la coquetterie, sont merveilleuses à mes yeux.» Les relations entre René Girard et Sartre sont donc ambivalentes et méritent une analyse plus poussée.
Opérer entre les deux pensées de nombreux rapprochements conceptuels permettrait de porter un regard nouveau sur ces œuvres. Ainsi par exemple les proximités entre la mauvaise foi sartrienne et la méconnaissance girardienne nous plongent toutes deux dans une anthropologie du mensonge à soi-même et donc du Je en tant qu’il est toujours déjà un « jeu ». Nous pourrions aussi rapprocher la spirale mimétique à laquelle René Girard soumet tous ses concepts à la logique des tourniquets sartriens dans laquelle les positions conceptuelles s’échangent sans cesse…
Malgré de nombreuses divergences, il y a donc aussi de nombreux points de contact entre ces deux penseurs, comme si la relation de René Girard à Sartre incarnait à elle seule une relation mimétique de proximité et de distance.
INTERVENANTS :
Avec Benoît Chantre (ARM-Imitatio), Paul Dumouchel (Université Ritsumeikan, Kyoto), Jean-Pierre Dupuy (Université Stanford), Eric Gans (UCLA), Adrian Navigante (Université d’Eichstätt), Stéphane Vinolo (Regent´s University, Londres), Frédéric Worms (ENS-CIEPFC).
> LIRE LA SUITE
Girard - DerridaD'une déconstruction à l'autre(Colloque international ARM / BnF/ ENS CIEPFC) Samedi 16 NOVEMBRE 2013
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Sartre-Girard, Colloque BNF du 16 novembre 2013
Il y a entre René Girard et Jacques Derrida des points de rencontres, et d’abord une rencontre.Parce que, comme on le sait, c’est Girard qui, lors du colloque de 1966 à Baltimore,a ouvert la voie de la notoriété à Derrida, du même mouvement qu’il était, sans le savoir, à l’origine du succès américain de la French Theory Consacrer un colloque à ces deux auteurs, nous oblige donc à revenir sur ce commencement d’une manière singulière : à partir de deux de ses initiateurs qui ont en commun ceci de n’avoir participé à la French Theory qu’en marquant un écart avec ses mouvements dominants ; qui, par exemple, ne se rapportent à la psychanalyse ou au structuralisme qu’en prenant quelques vraies distances.
Mais Girard cite peu Derrida et Derrida ne cite pas Girard. Pourtant, les lecteurs sentent des points de frôlement, voire de contact. Derrida, lecteur subtil du détail, Girard avançant avec moins d’égards vers l’intuition centrale d’un texte ou d’une tradition, partagent néanmoins une même violence interprétative :si la « déconstruction » est derridienne, Girard n’aura pas refusé dequalifier ainsi son propre travail.
Tous deux rôdent également dans les parages de l’ambivalence du pharmakon qui peut sauver et/ou tuer ; tous deux tiennent à la différence et se méfient del’indifférence en sa proximité avec une violence originaire. Enfin, le déconstructeur de toute onto-théologie aura médité les rapports de la déconstruction avec la « théologie négative » ; il aura, le temps passant (et au contact de Levinas), présenté la déconstruction comme un« dire oui » sans condition, la mise en contact avec un « me voici » abrahamique qui ouvre une temporalité messianique. Dans le même temps de mûrissement, le penseur du désir mimétique, de son côté, aura accordé à la tradition biblique un statut exemplaire et décisif ; puis il aura fait du christianisme la seule sortie salutaire hors du temps apocalyptique de la « montée aux extrêmes » (selon les mots de Clausewitz).
Les différences entre les deux penseurs certes s’aiguisent ; mais ne témoignent-elles pas aussi qu’ils s’approchent ensemble d’enjeux brûlants que leur confrontation pourrait aider à mettre au jour ? En menant à bien cette confrontation, sans doute ne faudra-t-il pas sous-estimer la différence entre un geste philosophique, fût-il déconstructeur de la philosophie elle-même, et un geste qui, relevant à un moment et pour une part d’une certaine critique littéraire, s’installedans le donné de l’anthropologie.
Ce colloque sera donc une injonction à méditer, au sein d’une proximité, ce qui distingue la différence et la différance ;une pensée qui scrute le jeu de l’indifférenciation et de la différence, les liens du désir et de la violence, l’ambivalence du pharmakon au cœur de l’humain et à l’origine de la culture ; et une pensée qui, habitée par des inquiétudes proches, les aborde en se laissant affecter par la déstabilisation de la question de l’Etre, la déconstruction de la métaphysique et/ou del’onto-théologie.
INTERVENANTS :
Emanuele Antonelli (Università degli Studi di Torino), Gérard Bucher (New York State University at Buffalo), BenoîtChantre (ARM),Jean-Pierre Dupuy (Stanford University), Eric Gans (UCLA), Andrew Mac Kenna (Loyola University, Chicago), François-David Sebbah (Professeurde Philosophie contemporaine, Université de Technologie de Compiègne), Stéphane Vinolo (Regent's College, London).
Matin :
président de séance : Andrew McKenna (Loyola University, Chicago)
9h00 Accueil par Denis Bruckmann (BnF) et Andrew McKenna
9h15 Benoît Chantre (ARM), « Girard-Derrida, une relation à l’origine »
9h45 Stéphane Vinolo (Regent's College, London), « Derrida [tout] contre Girard : du double à l’origine »
10h15 Pause
10h30 Gérard Bucher (New York State University at Buffalo), « Derrida-Girard : le double impensé du sens et du sacré »
11h00 Eric Gans (UCLA), « Anthropologie générative, grammatologie girardienne »
11h30 Débat, animé par Andrew McKenna
Après-midi :
présidence de séance : Charles Ramond (Paris VIII - Vincennes Saint-Denis)
14h00 François-David Sebbah (Université de Technologie de Compiègne), « D’une différence à l’autre : Girard et Derrida »
14h30 Emanuele Antonelli (Università degli Studi di Torino), « 1972 : Girard, Derrida et la disparition de l'extériorité »
15h00 Pause
15h15 Andrew McKenna (Loyola University,Chicago) « Achever Derrida »
15h45 Jean-Pierre Dupuy (Stanford University)« Déconstruction de la déconstruction »
16h15-17h00 Débat et table-ronde conclusive animés par Charles Ramond
Girard - HenryLe désir de l'Autre(Colloque international ARM / BnF/ ENS CIEPFC) Samedi 7 NOVEMBRE 2015
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Vidéos du Colloque BNF du 7 novembre 2015
L’éthique girardienne de la bonne identification à autrui, fondement d’une société qui parviendrait à déjouer les pièges de la violence, peut-elle consonner avec la « phénoménologie de la Vie » de Michel Henry ? Chez ce dernier, en effet, le rapport des vivants à la Vie est effectué hors du monde, hors de tout horizon de visibilité, hors de toute extériorité : dans le rapport affectif immédiat de la Vie à elle-même. De là, comment envisager la possibilité même de l'existence d'autrui, à laquelle la pensée de René Girard oblige urgemment ? Comment fonder ma propre existence, et a fortiori ma propre consistance éthique, dans une relation qui a lieu dans le monde social ou sentimental ?
Il s’agira donc de se demander comment penser une identification morale à l’autre au sein d’une phénoménologie où la notion même d'autrui paraît si mal fondée. Si René Girard rend précisément compte du désir et de la violence qui caractérisent les relations mimétiques, Michel Henry pense au contraire la Vie comme toujours mienne, et semble ne ménager aucune relation possible entre les vivants. Il importera donc de se demander si une interprétation « henryenne » des enjeux éthiques de l’anthropologie de René Girard est possible. La réponse à cette question nous sera peut-être donnée dans l’engagement chrétien des deux penseurs, si différents par ailleurs, et dans l’unité de leurs pensées, pourtant apparemment disjointes.
INTERVENANTS :
Avec Thierry Berlanda (Collège international de philosophie), Benoît Chantre (Fondation Imitatio), Grégori Jean (FNRS, Fonds Michel Henry), Jean-Philippe Milet (Lycée Henri IV), Adrian Navigante (India-Europe Foundation for New Dialogues), François-David Sebbah (Université Paris-Ouest), Jérôme Thélot (Université Lyon III).
Matin
Présidence : Benoît Chantre
10.00-10.15 Benoît Chantre : « Sur une page de Michel Henry.»
10.15-10.45 Jean Philippe Milet : « La chose cachée depuis la fondation du monde. Entre et par-delà René Girard et Michel Henry ».
10.45-11.15 Thierry Berlanda : « La violence du désir ressortit-elle radicalement au désir de violence ? »
11.45-12.00 Pause
12.00-12.30 Débat
Après-midi
Présidence : Thierry Berlanda
14.00-14.30 Grégori Jean, « Le désir d’autrui, entre érotisme et violence ».
14.30-15.00 Adrian Navigante, « Désir et non-savoir : envisager l’altérité avec René Girard, Levinas et Henry. »
15.00-15.30 Jérôme Thélot, « Voix et sacrifice dans le cinématographe selon Robert Bresson. »
15.30-16.00 Débat
16.00-16.30 Pause
16.30-17.00 Table-ronde avec tous les participants, en présence de François Sebbah (pour des remarques conclusives).
CV DES INTERVENANTS
"Qu’est-ce que le moi ? Une lecture girardienne de Pascal"Conférence de christine orsiniCentre Sèvres Paris 6ème |
René Girard est devenu le théoricien des origines de la culture à partir d’une critique radicale de l’individualisme moderne, dont il a trouvé le modèle dans la grande littérature, de Cervantès à Proust. Loin d’être reconnu et célébré comme « le Darwin des sciences humaines », ce penseur a été marginalisé par le milieu universitaire. On lui conteste ses méthodes et surtout les conclusions de sa lecture anthropologique de la Bible. Pour Girard, c’est sur le fondement d’une théorie de l’homme contenue dans le christianisme que l’essor de la pensée scientifique a été rendu possible : on est loin de l’esprit des « Lumières » et de sa croisade contre l’obscurantisme, représenté par la religion.
En amont de la philosophie des Lumières, trois siècles avant l’anthropologie girardienne, les Pensées de Pascal font écho à la critique radicale des illusions de la raison et des mensonges de l’orgueil entreprise par Girard. La déconstruction du « moi », par exemple, est déjà effectuée chez Pascal, qui prévient, en vain, les libertins des affres qu’ils vont subir en entrant dans ce qui ne s’appelle pas encore le « mensonge romantique » de surestimation (ou de sous-estimation) de soi.
Les Pensées sont les fragments sublimes d’une anthropologie destinée à servir le projet d’une Apologie du christianisme. C’est pourquoi un rapprochement entre ces deux « penseurs » qu’on n’arrive pas à classer (Pascal, qui pense que « la vraie philosophie se moque de la philosophie » et Girard, qui pense qu’une vraie science de l’homme se moque des sciences humaines) me semble pertinent. De plus, lire ou relire Pascal, c’est se retrouver devant des vérités sur soi, sur sa condition d’homme, si simples et si profondes qu’elles ont un effet euphorisant ; elle procurent l’immense plaisir d’avoir l’impression de devenir plus intelligent, de passer du statut de « demi-habile » au statut d’« habile ». Et pour ceux qui ont la foi, de passer du statut de « dévot » à celui de « vrai chrétien ». Si c’était vrai, si ce n’était pas qu’une impression, ce n’est pas d’un progrès qu’il s’agirait mais bien d’une conversion, au sens girardien du mot.
Agrégée de philosophie et secrétaire générale de l’Association Recherches mimétiques (ARM), Christine Orsini a contribué à René Girard et le problème du mal (Grasset, 1982) et au colloque de Cerisy « Autour de René Girard » en 1983. Elle est également l’auteur de "La Pensée de René Girard "(Retz, 1984). Christine Orsini vient de faire paraître "René Girard" (Coll "Que sais-je" PUF).
Serres - GirardDOSSIER
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Le 15 décembre 2005, Michel Serres avait prononcé le discours de réception de René Girard à l'Académie française :
Michel Serres a donné plusieurs conférences dans le cadre de notre association :
"La guerre mondiale"
Conférence de Michel Serres, donnée le 11 mai 2009, dans le cadre de la Chaire "René Girard" au Collège des Bernardins, organisée en partenariat avec l'ARM
Contrairement à l’usage courant, on appellera « guerre mondiale » celle que nous menons contre le monde. On cherchera donc à définir la guerre usuelle, ainsi que le terrorisme, pour poser enfin la question de la violence que nous exerçons contre notre environnement.
"Les trois sacrifices"
Conférence de Michel Serres, donnée le 6 mai 2017, dans le cadre du colloque organisé à l'Institut Catholique de Paris avec l'ARM "Faut-il avoir peur, René Girard penseur de la violence"
"Concordances"
Conférence ARM d'Olivier Joachim, en hommage à Michel Serres et René Girard
(28 avril 2022)
L’extraordinaire proximité entre René Girard et Michel Serres rend la ‘confrontation’ de leur pensée particulièrement délicate. Le terme de ‘concorde’ serait sans doute plus approprié !
En effet, dès le début des années 70, leurs trajectoires intellectuelles convergent l’une vers l’autre, se touchent, s’entrelacent, résonnent et interfèrent. Au-delà d’une proximité physique, puisqu’ils enseignent dans les mêmes lieux, de profondes similitudes se révèlent dans leurs travaux respectifs. Méridionaux tous les deux, nés entre les deux guerres, sensibles aux mêmes influences, ils ont lu la philosophie de Simone Weil chacun avec beaucoup d’intérêt. Nul doute que sa quête de vérité les ait fortement inspirés l’un comme l’autre. De fait, soucieux de la noirceur de l’âme humaine, passionnés de connaissance et de culture, convaincus de la nécessité d’une forme de dévoilement par la voie (ou la voix) des sciences, coudre leurs pensées à la trame commune de nos savoirs est dès lors apparu comme une perspective évidente.
Que ce soit sur des questions épistémologiques, tenant à la fusion des disciplines, ou sur le fondement des cultures et des sociétés, abreuvées de la violence qu’engendre la mimésis, nous pouvons à juste titre parler de philosophies de la concordance. A la confluence des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la biologie, de l’histoire, des sciences humaines, de la mythologie et de l’herméneutique, ils vont féconder de leur génie le projet anthropologique d’une nouvelle alliance.
De surcroît, la profonde estime qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre n’a pu qu’amplifier cette communion des esprits. Parce que c’était René Girard et parce que c’était Michel Serres, ainsi pourrait-on dire !
Olivier Joachim est professeur agrégé de physique en classes préparatoires au lycée Saint-Louis
> Enregistrement sur la chaîne Youtube de l'ARM
DOSSIER Michel Serres - René Girard