Ancien événement

03/07/2024 19:00"La République et le sacré"​ Penser la laïcité avec René Girard

 

 

Conférence-débat avec Bruno Perren 

Modératrice : Christine Orsini

 

 

 

 

 

 

 

La laïcité sépare le politique du religieux. Mais la République laïque, pour autant, en a-t-elle réellement fini avec le sacré ? Si l’on considère la « religion » dans son sens restreint de croyance dans les monothéismes révélés (judaïsme, christianisme, islam), on peut dire de la République, eu égard à ces trois confessions, qu’elle adopte un positionnement neutre.

 

Mais dès lors qu’on envisage la « religion » dans les termes autrement stimulants de Durkheim – qui la définit comme la séparation des mondes sacré et profane –, la neutralité religieuse de la République, au sens où elle n’aurait plus rien à faire avec le sacré, pour le moins, interroge, quand elle n’est pas, tout bonnement, sujette à caution. Le processus de « sécularisation », dont nous sommes les lointains héritiers, a commencé avec la naissance de la philosophie, s’est poursuivi au Siècle des Lumières et semble s’accentuer inexorablement aujourd’hui. Il consiste, pour une bonne part, dans l’oubli, conscient ou non, du rôle fondateur de la barrière sacré/profane.

 

Selon René Girard, en effet, la séparation sacré/profane a pour fonction essentielle de distinguer la bonne violence, celle qui est légitime en ce qu’elle dit le dernier mot d’un litige, de la mauvaise violence, qui enclenche un cycle interminable de vengeances. Or, en République, c’est l’État qui détient le monopole de la violence légitime, de la même manière que, dans le contexte des religions sacrificielles, c’était les dieux qui en étaient détenteurs. Officiellement indemne de toute pratique religieuse, la République perpétue pourtant, sous des formes atténuées, les deux types de sacrifice que la Bible mentionne en ouverture de la Genèse : le sacrifice d’objet (interdiction de toucher à), dont traite l’histoire d’Adam et Ève ; et le sacrifice violent (élimination du rival), dont traite l’histoire d’Abel et Caïn.

 

Le sacrifice violent est toujours à l’œuvre dans les expressions contemporaines de confrontation guerrière tandis que le sacrifice d’objet, lui, se dissimule derrière le processus de marchandisation généralisée qui a cours aujourd’hui. La séparation du politique et du religieux qui définit notre laïcité n’a de sens que dans un univers culturel « de type chrétien ». Avec le temps, en effet, le religieux selon Durkheim s’est séparé en deux branches désormais distinctes : le « politique » a hérité de la violence légitime au moment où le religieux « de type chrétien » y a clairement renoncé. Toute réflexion sur la laïcité oblige à préciser de quelle religion on parle.

 

 

Auteur-compositeur-interprète, Bruno Perren vit de la chanson dans tous les sens du verbe vivre. Durant toute sa carrière de chanteur, il est resté étudiant autodidacte en sciences humaines. La pensée de René Girard a joué dans ses recherches un rôle déterminant. Il termine en ce moment la rédaction d’un ouvrage « La République et le sacré » en vue d’une éventuelle publication. http://brunoperren.unblog.fr/biographie/

 

 

 
Dernière modification : 11/07/2024
Lieu : par zoomAnimateur/Intervenant/Conférencier : Bruno Perren / Christine Orsini

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